Selection

 

Ce point de vue personnel sur une des pratiques liée au cigare ne cherche pas à être exhaustive ou référentiel. Il s'agit simplement d'offrir à la curiosité de l'internaute de passage une pratique, voire une manie, avec tout le caractère attachant, et passionné (!), qu'elle sous-entend.

Cette question est d'importance lorsque l'on ne maitrise que fort peu les rudiments relatifs au cigare. Nous nous adressons donc au débutant ou à tous ceux voulant faire plaisir à une connaissance que l'on sait amatrice de cigare.

Que l'on veuille acheter une boite ou quelques vitoles, il est essentiel de voir et toucher le produit.



Si l'on désire acquérir une boite, il faut toujours se la faire ouvrir, constater que le nombre de cigares correspond bien à celui affiché. Par la même occasion, autant savoir si la boite est authentique. Pour cela, un sceau de couleur vert clair (couleur du dollar américain) doit fermer la boite. Une mince bande portant la mention "habanos" doit figurer sur le coin supérieur droit. Enfin, au dos de la boite, vous dever lire la mention : "Habanos S.A. Hecho en Cuba. Totalmente a mano".

Une fois que ces démarches préliminaires ont été effectuées, ouvrez l'œil ! Le cigare doit revêtir une robe semblable à ses congénères. Les cigares sont en effet rangés par couleur. Sa cape doit être sans défaut apparent (déchirure, boursouflure, point blanc, trou, ...). Ensuite, vous ne devez pas hésiter à le toucher, le palper. Il doit être compact, ne pas présenter de creux. Sa cape peut être mate, avec un aspect légèrement poussiéreux. Ce n'est pas un signe de sécheresse mais représente l'état habituel de certains modules. Humez le : même profane, vous devez sentir un léger parfum, signe d'une bonne humidification.

Bonnes volutes !

La sélection d'un grand cigare ne se fait pas à l'aveuglette car elle conditionne une bonne partie de votre plaisir à venir. En effet, en bon épicurien, le fumeur anticipe la satisfaction qu'il est en droit d'attendre de l'objet de son désir. Et si, au terme de la dégustation, son appréciation du produit n'est pas à la hauteur de ses souhaits, le goût amer de la déception viendra gâter sa douce euphorie initiale. La meilleure façon d'éloigner le spectre de la déconvenue est de porter une attention particulière à chaque étape de la démarche d'achat, depuis la sélection de la civette jusqu'au choix du ou des cigares.

Le puro est un produit vivant, il est fragile et évolue après sa fabrication. Pour le préserver, il est indispensable de recréer les conditions climatiques des pays tropicaux qui lui ont donné naissance, soit un taux d'humidité relative de 70 % et une température de 17-18 °C. Tout débitant de tabac, qui a la prétention de vendre des grands cigares, doit disposer d'un système d'humidification adapté au volume de stockage, équipement qui n'est pas toujours présent. Pour l'anecdote, je citerais l'exemple de ce buraliste bruxellois qui m'a débusqué une boîte de Lusitanias de Partagas, posée sur le comptoir, et jusqu’ici dissimulée sous un tas de papiers. Vous pensez bien qu'ils étaient archi-secs. Quelle ignominie ! Traiter de la sorte l'un des meilleurs cigares au monde ! Faut-il n'y voir qu'une vulgaire marchandise comparable à la cigarette industrielle ! Ce buraliste peu scrupuleux n'est malheureusement pas le seul à dénier au cigare fin son statut de prince. Si vous êtes confronté à une telle situation, refusez catégoriquement tout achat et mettez-vous en quête d'un débitant plus respectueux, car un cigare trop sec, outre une cape friable, se consume trop vite et produit une fumée âcre, desséchante, particulièrement désagréable. Cela dit, de bonnes conditions de conservation ne suffisent pas à ce qu'un débit de tabac mérite la mention de civette. D'autres critères tels que la présentation, l'étendue de l'offre et le conseil, doivent également être pris en compte. Le grand cigare est un produit exceptionnel, chargé de sens et vecteur d'émotions. Il fait l'objet d'une démarche d'achat particulière, à l'opposé de celle d'un banal paquet de cigarettes.

L'amateur est un esthète qui s'extasie devant les coffrets décorés baillant sur une rangée de cigares à la robe unie et satinée. Son regard gourmand flâne de vitole en vitole, avec une pointe de fébrilité. D'un seul coup d’œil, il doit pouvoir apprécier la teinte et l'aspect des capes. Pour parfaire son choix, l'amateur doit être informé du nom des modèles et des formats correspondants, ainsi que du prix à l'unité et au coffret. En tenant compte de toutes ces exigences, l'agencement idéal d'une civette serait une vitrine déployée en longueur, à l'intérieur de laquelle, les étagères portant les boîtes à cigares ouvertes, ne dépasseraient pas une hauteur d'un mètre cinquante. Aucun obstacle, comme un comptoir, ne devrait empêcher le fumeur de s'en approcher. L'éclairage serait suffisant, sans excès, pour éviter de décolorer à la longue les capes. L'information concernant le produit figurerait sur des étiquettes cartonnées placées devant chaque coffret. Un tel agencement exemplaire, m'a été donné de voir, à la civette "Le Dôme", à Marseille, 4, rue de la République.

Au-delà de l'étendue de l'offre de cigares et de la présentation, ce sont les conseils aux clients qui différencient le gérant d'une civette, d'un débitant ordinaire. La vente de cigares ne s'improvise pas. Il est difficile pour un non-fumeur de conseiller avec pertinence un client désorienté. La force d'un cigare, par exemple, ne se devine pas. Il faut avoir dégusté un nombre conséquent de vitoles pour pouvoir judicieusement mesurer la puissance de l'une d'entre elles. Préférez, donc, acheter vos puros dans une civette où le gérant est un connaisseur. Il vous renseignera utilement sur les questions que vous vous posez sur le monde du cigare. En complément de la vente proprement dite, les civettes peuvent offrir des services aux amateurs. Cela va, du prêt d'une guillotine pour inciser la tête du cigare acheté, à la location d'une cave, en passant par la réservation de boîtes à la demande. Toutefois, ne vous laissez pas abuser par le zèle d'un débitant qui vous propose d'inciser le cigare à votre place. Cette opération est personnelle, chaque fumeur pratiquant une ouverture plus ou moins large, sans oublier sa connotation symbolique.

Dans le choix d'un cigare, l'envie de l'amateur semble être son unique guide, néanmoins, elle doit être tempérée en fonction des conditions de la dégustation. Tout d'abord, vous devez faire correspondre le format du cigare - combinaison ici limitée à la longueur et au diamètre -, au temps dont vous disposerez pour le fumer, en sachant que la combustion est plus lente pour les gros diamètres (? supérieur à 18 mm). Car, contrairement à la cigarette ou au cigarillo, un cigare haut de gamme ne se fume pas à la va-vite, il se savoure. La dégustation complète d'un double-corona, par exemple, demande au minimum une heure et demie, pour un corona comptez une heure et un robusto réclame trois-quarts d'heure. Il serait dommage que vous soyez contraint d'éteindre prématurément votre cigare à cause d'un emploi du temps chargé. En effet, dans le cas où vous voudriez le rallumer plus tard, son goût sera gâté par une nuance de cendres froides qui peut déplaire, et cela, en dépit de la précaution préalable consistant à sectionner l'extrémité brûlée. Pour les amateurs pressés, la solution réside dans l'achat de cigares cubains plus modestes, qui sans avoir la complexité aromatique des premiers, en ont le goût de terroir, et leur consommation n'implique pas un grand investissement tant personnel que financier. Ces cigares cubains d'un bon rapport qualité/prix sont fabriqués à la machine ou façonnés à la main. Les pièces les plus honorables sont : Fonseca Delicias (petit corona), Por Larrañaga Panetelas (panatella), Punch Margaritas (mini panatella), H. Upmann Epicures (demi-tasse).

Après avoir mis en rapport le format des cigares et le temps nécessaire à leur dégustation, il faut maintenant considérer l'implication qu'a la force de la fumée sur l'organisme du fumeur. Certains havanes sont caractérisés par une puissance conséquente, liée à leur teneur élevée en nicotine, ce qui n'enlève rien à leur qualité, bien au contraire, puisqu'ils sont souvent exceptionnels. Mais, la richesse de leur fumée peut incommoder un fumeur sensible ou à jeun, par les deux effets qu'elle produit sur l'organisme. La sensation de satiété est la conséquence du transport de l'alcaloïde par le sang jusqu'au cerveau, où la stimulation du système nerveux parasympathique va entraîner, entre-autres, la sollicitation du nerf pneumogastrique, qui va alors provoquer une augmentation de la production des acides de l'estomac. De façon concomitante, la forte excitation cérébrale initiée par la nicotine produit une ivresse. L'importance de ces sensations peut être amortie, en prenant un bon repas avant de déguster ces cigares corpulents, que sont notamment, le Churchills de Romeo y Julieta et de Bolivar, le Robustos de Cohiba, le Coronas Major de H. Upmann. Une éventuelle mauvaise disposition du fumeur amplifie les désagréments engendrés par un taux élevé de nicotine, ce qui peut se traduire par des nausées. Par chance pour les débutants, ces puros sont repérables, pour la plupart, à la couleur foncée de leur cape, qui est le code utilisé par les fabricants pour indiquer la force, mais cela n'est pas une règle stricte, puisque la puissance est délivrée par un type de feuille d'intérieur appelé ligero.

Ces modifications physiologiques engendrées par la consommation de tabac plaident en faveur d'une correspondance des types de cigares en fonction des saisons et selon les moments de la journée. Il n'est pas concevable de fumer un cigare puissant en été, alors qu'il va augmenter le rythme cardiaque de façon importante, et par voie de conséquence, la transpiration contribuant ainsi à accroître la gêne. Dans un souci de bien-être, on préférera choisir un cigare plus léger. Vous conviendrez, qu'un cigare peu corpulent est mieux supporté par l'organisme pour les moments précédant les repas. Or, certains connaisseurs contestent l'utilité de telles affinités, ne supportant pas d'être contraints dans leurs envies. Nous préciserons donc, que celles-ci ne sont aucunement obligatoires, et nous invitons chacun à suivre la voie que lui dictera sa propre nature.

S'il est des personnes pour qui le choix d'un cigare s'avère problématique, ce sont bien les débutants. Pour les aider à bien commencer dans la carrière de fumeur de cigares, quelques conseils leurs sont prodigués dans les lignes suivantes afin qu'ils évitent les mauvaises surprises. Les havanes ou habanos attirent souvent les néophytes par leur réputation d'excellence, mais leur grande disparité, à la fois d'une marque à une autre, mais également, à l'intérieur de chacune-d'elles, rend le choix difficile. Ainsi, même une marque réputée pour la douceur de ses modules peut très bien avoir dans sa gamme un ou des cigares puissants. Il faut donc être prudent, surtout que les débitants peu aguerris ne connaissent pas toujours la force des pièces qu'ils vendent. Une bonne approche consiste à s'initier avec des cigares peu ou moyennement puissants distillant des arômes à dominance florale et torréfiée (café, cacao), plutôt qu'animale (suint, cuir), susceptible de dérouter un non-initié. Généralement, les cigares de République dominicaine et du Honduras constituent un bon compromis entre la complexité aromatique et une force mesurée. Le débutant peut également s'initier en goûtant des habanos des marques Montecristo, El Rey del Mundo ou Romeo y Julieta. Si je préconise un tel parcours d'initiation, c'est pour une bonne raison. Mon premier cigare fut un Petit Bouquet de Partagas, dont l'amertume prononcée et le manque de délicatesse, joint à un tirage difficile m'a quelque peu déconcerté. Après une telle expérience, on a tendance à assimiler les cigares cubains à des rustauds, réservés à ces héros virils, cow-boys ou Columbo en tous genres, que l'on peut voir sur le petit écran. Et si, malgré cette sommation, vous vous obstinez, vous découvrez alors un univers fascinant où tous les goûts et tous les prix sont représentés. Mais, combien de personnes échaudées par la rudesse d'un Petit Bouquet de Partagas ou d'un Palmas Reales de Punch, voire d'un Toscani italien, renoncent à tout jamais au plaisir de fumer un cigare ? Les habanos se distinguent des Dominicains et des Honduriens par leur puissance et par une gamme orientée vers les épices et les senteurs animales (suint, gibier, cuir). Les Dominicains ont une senteur dominante de foin coupé. Voici un échantillon de vitoles pour une initiation sur mesure : Cubains, El Rey del Mundo Petit Corona (petit corona), Montecristo N°4 (petit corona), Romeo y Julieta Cedros de luxe N°3 (petit corona) ; Dominicain, Juan Clemente Rothschild (robusto) ; Honduriens, Flor de Selva Robusto (robusto), Zino Mouton Cadet N°5 (petit corona).

Un débutant pourra être effrayé par la taille imposante des modules churchill, double-corona et especiales, et penser qu'ils doivent être difficiles à fumer. En fait, il n'en est rien, bien au contraire. Ces cigares ont un tirage aisé grâce à leur diamètre important de 18,65 à 20,6 mm. Il en est de même pour les formats courts à forte section comme le robusto et l'obus (? de 19,05 à 20,64 mm). Leur intérieur ou tripe est plutôt lâche, ce qui facilite la ventilation et entraîne une combustion lente. Les grands modules par leur disposition à exprimer puissance et arômes sont, en ce qui concerne les Cubains, des vitoles à réserver aux connaisseurs.

Une fois votre choix fait, vous devez faire certaines constatations. La cape ne doit pas être abîmée, ce qui pourrait se traduire par des fuites perturbant la combustion. Pour les pièces vendues à l'unité, le débitant devra faire devant vous le test de souplesse en pressant entre ses doigts le corps de chaque cigare, sans qu'aucun craquement ne se fasse entendre, garantissant ainsi une bonne humidification. Si vous achetez une boîte, faites-la ouvrir pour vérifier si la qualité de finition et la couleur des capes vous conviennent. Cela est considéré comme une pratique incontournable qu'un débitant scrupuleux exécutera sans que vous ayez besoin d'en faire la demande. Dans le cas où la qualité des cigares est trop éloignée de ce que l'on peut raisonnablement en attendre, il se peut que vous soyez en présence de contrefaçons de havanes, qui concernent principalement les Robustos et Lanceros de Cohiba, les Churchills et Doubles Coronas de Punch et Hoyo de Monterrey, et les Lusitanias de Partagas. Ces faux havanes sont de qualité médiocre sans rapport avec leurs modèles. Vous les refuserez catégoriquement, car en plus de risquer une déconvenue, vous vous exposez, en les achetant, à des poursuites pénales. Vérifiez donc, les sceaux d'authenticité apposés sur la boîte : le label d'origine de couleur verte ressemblant à un dollar portant la mention "Republica de Cuba", collée sur la tranche et l'étiquette Habanos barrant le coin supérieur droit. Un tampon "Hecho en Cuba" doit apparaître sur le fond du coffret. Ces contrefaçons sont surtout présentes dans les rues de La Havane et en République dominicaine dans certains magasins. Dans notre pays, les probabilités d'en rencontrer sont plus rares, surtout si la civette où vous rendez est réputée.

Armé de ces recommandations, vous n'aurez aucun mal à trouver votre bonheur. Il se peut, néanmoins, qu'au cours de votre quête, vous ne trouviez plus une vitole dégustée quelques mois plus tôt, et cela, dans aucune civette de votre région. Cette situation s'explique par le fait que les fabriques cubaines n'ont en volume de feuilles de tabac que la production d'une année. Il n'y a donc pas de stock, tous les cigares fabriqués dans l'année étant exportés. De plus, toutes les vitoles ne pouvant être produites à la fois, chacune d'elles fait l'objet d'un programme de fabrication étalé dans le temps. Dans ces conditions, si vous êtes un gros fumeur, il vous faudra réserver les coffrets de vitoles qui vous intéressent auprès de votre civette attitrée, vous évitant ainsi la rupture de stock.