Les maladies du fumeur de cigare
Le cigare est-il dangereux pour la santé ? Si les maladies de l'amateur de cigare sont moins connues que pour celles du fumeur de cigarettes, elle existent néanmoins.
Les maladies et les seuils de tolérance de l'amateur de cigare sont moins bien connus que pour le fumeur de cigarette. Il y a une bonne raison à cela. Depuis son apparition, au cours du XIXe siècle, la cigarette n'a cessé de se diffuser dans toutes les couches sociales jusqu'à sa banalisation actuelle. Parallèlement à cet essor du tabagisme, les autorités médicales de tous les pays développés, confrontées à l'augmentation des cas de cancer du poumon lancèrent des recherches sur le sujet afin d'établir le lien possible entre les deux phénomènes. Cette preuve fut apportée par les professeurs britanniques Doll et Hill en 1952. Il faudra attendre 1996, pour que soit établie la responsabilité d'un benzopyrène dans l'apparition du cancer pulmonaire. Les fumeurs de cigare étant minoritaires dans le phénomène tabagique, leurs maladies n'ont pas fait l'objet d'études ambitieuses. Néanmoins, les deux produits étant similaires, les résultats des travaux consacrés à la toxicité de la cigarette serviront à éclairer les dangers encourus par l'abus du cigare.
La fumée de tabac contient des éléments nocifs pour l'organisme. Ce sont principalement des gaz comme l'oxyde de carbone, et des particules tels la nicotine, les goudrons, les phénols et les crésols. La toxicité immédiate de ces différentes substances étant négligeable, il convient d'appréhender leur action sur le long terme en fonction du produit fumé, de la façon dont il est consommé et de la fréquence des prises. En effet, ce sont les toxiques accumulés par un fumeur invétéré durant une grande partie de sa vie qui vont déclencher chez lui des maladies graves comme les cancers. Il faut aussi tenir compte des pratiques qui peuvent être plus ou moins dangereuses. Ainsi, le fumeur de cigarette qui inhale la fumée, expose davantage sa santé que les amateurs de cigare ou de pipe qui ne le font pas. Inversement, ces derniers sont soumis à une dose d'éléments nocifs plus élevée. L'évaluation des risques du fumeur doit prendre en compte les facteurs précédemment cités, en ayant à l'esprit, que seule la quantité de tabac fumée régulièrement fait la différence. Dans les lignes suivantes, nous allons exposer les effets que produisent les principales substances toxiques sur l'organisme d'un fumeur de cigarettes, et les maladies sévères qu'il encourt, en précisant ce qu'il en est pour le fumeur de cigare.
L'agressivité de la fumée du tabac se manifeste par des picotements au niveau de la gorge pour les amateurs de cigare, et au niveau des bronches pour le fumeur de cigarette. Ces gênes trahissent la présence des produits irritants gazeux et particulaires dont l'inhalation altère le fonctionnement de la muqueuse respiratoire, en ralentissant, voire en bloquant, le mouvement des cils qui la recouvrent et en détruisant son activité anti-bactérienne. Les particules étrangères ne sont donc plus évacuées vers l'oesophage et stagnent dans les voies respiratoires, les rendant particulièrement vulnérables à l'infection. C'est le cas pour les consommateurs de cigarette qui contractent facilement des maladies respiratoires aux saisons froides et qui sont nombreux à être atteints de bronchites chroniques. L'aspiration de la fumée a pour autre conséquence d'appauvrir l'organisme en oxygène par le biais d'un gaz, l'oxyde de carbone, qui forme avec l'hémoglobine du sang au niveau des alvéoles pulmonaires, un composé stable et indestructible : le carboxyhémoglobine dont la proportion peut atteindre 10 % En plus de cela, l'oxyde de carbone accroît les risques d'infarctus en provoquant un trouble cardiaque propre. Jusqu'ici, le fumeur de cigare est peu concerné par les risques que les substances nocives précitées feraient courir à sa santé. Il en va autrement, avec l'entrée en scène des goudrons et de la nicotine. De tous les éléments présents dans la fumée, les goudrons sont les plus cancérogènes. Il a été démontré qu'un benzopyrène (BPDE) est responsable du cancer du poumon par son action sur le gène P53. Cette découverte importante prouve que les fumeurs actifs et passifs sont menacés par cette terrible maladie. En-dehors de ce risque, les fumeurs de cigare constituent une cible de choix pour des cancers spécifiques en raison d'une fumée particulièrement riche en goudrons qui en se condensant accumulera ces toxiques au niveau du nez et de la bouche. Ils peuvent également contracter les cancers du rein et de la vessie. Et, ils partagent celui du pharynx avec les fumeurs de pipe. On ajoutera que tout les deux présentent une grande prédisposition pour le cancer de l'oesophage. Dans ces processus de malignité, les goudrons sont aidés par d'autres substances qui ne sont pas nécessairement nocives mais qui en fragilisant les barrières de protection de l'organisme favorisent l'action des éléments cancérogènes. Comme cela a été dit précédemment, le facteur déterminant dans la réduction de l'espérance de vie du fumeur est l'intoxication sérieuse et prolongée qui résulte du besoin irrépressible entretenu par la consommation de tabac. A l'origine de cette dépendance physique, on trouve la nicotine contenue dans la fumée qui s'avère être à la fois le vecteur du tabagisme et une substance potentiellement cancérogène. Expérimentalement, son concentré utilisé pur est un poison violent. Deux gouttes déposées sur la langue d'un chien suffisent à le tuer, mais les doses de nicotine inhalées par un fumeur sont infimes et l'empoisonnement n'a jamais lieu. Son effet est plus pernicieux. En se diffusant dans tout le corps, elle parvient à se fixer sur des organes précis pour au terme de longues années de tabagisme provoquer le cancer. En tant qu'alcaloïde, elle agit immédiatement après sa consommation sur le système nerveux sympathique et parasympathique, ainsi que sur la médullo-surrénale. Le symptôme flagrant de son absorption est une élévation du rythme cardiaque. Deux milligrammes de nicotine suffisent à accélérer le battement du coeur de vingts pulsations par minute. Elle produit également un effet paradoxal en agissant soit comme stimulant en favorisant la vigilance, soit comme sédatif par sollicitation du nerf pneumo-gastrique. Cette dernière particularité contribue à augmenter les sécrétions de l'estomac et explique l'apparition d'ulcères chez les fumeurs de plus de vingt cigarettes par jour. La responsabilité de la nicotine dans le cancer de la vessie a été démontrée chez les fumeurs de cigarette connaissant une imprégnation tabagique d'au moins une trentaine d'années. Compte tenu de la forte teneur en nicotine de la fumée du cigare, il est plausible que cette substance additionne ses effets cancérogènes à ceux des goudrons pour le générer aussi chez les fumeurs réguliers de puros.
En toute logique, les amateurs de cigare ou de pipe en échappant aux pathologies pulmonaires provoquées par l'inhalation de la fumée, doivent réduire le danger d'être atteint de cancer. Cependant, il faut compter avec une fumée plus riche en toxiques que celle inhalée par les fumeurs de cigarette. Un exemple, Sigmund Freud, l'inventeur de la psychanalyse, était un grand fumeur de cigare ce qui lui a valu d'être martyrisé durant treize années par un cancer buccal. Comme la toxicité du tabac agit par accumulation, cela implique que la probabilité de contracter un cancer est proportionnelle aux quantités consommées. Nous ne disposons pas pour le cigare, du seuil d'accumulation au-delà duquel les risques sont maximum. Une indication cependant : pour un fumeur de cigarette, le seuil critique est d'environ 120 kg de tabac, soit un paquet par jour pendant dix-sept ans. En fumant quatre paquets quotidiens, on peut l'atteindre quatre fois plus vite. En prenant l'hypothèse d'un individu ayant commencé à fumer un paquet par jour dès l'âge de 15 ans, les premiers signes d'une grave détérioration de sa santé apparaîtront à 32 ans.
Pour ma part, je pense que fumer le puro est indissociable d'une philosophie qui considère que les plaisirs les plus raffinés doivent se mesurer. Un grand cigare, tout comme un grand vin, doit se laisser désirer pour réjouir avec intensité celui qui le déguste. La répétition entraîne la banalisation, qui ne tarde pas à susciter à son tour l'ennui. Il se trouve qu'avec bonheur, une telle démarche préserve la santé.