Présenter le cigare est une tache difficile. Il s’agit en effet
d’un sujet très vaste : il y a tant de marques et d’origines différentes
de cigares.
Il s’agit aussi, vous vous en doutez, d’un sujet brûlant : les lobbies
antitabac mènent une guerre impitoyable contre les fumeurs.
Et pourtant, on assiste à une progression fulgurante du nombre des clubs de
fumeurs de cigare.
Il ne s'agit pas ici de présenter "la vérité" sur le cigare mais
plutôt de tenter d'expliquer simplement ce qu'est le cigare et ce qu'on peut
attendre de sa dégustation.
Dans un souci de simplification, je limiterai le sujet à l’élite du cigare :
le havane.
LE HAVANE : DE SA NAISSANCE A SES CENDRES
Vous le savez tous, Cuba a été découverte en 1492 par Christophe Colomb.
Il a rencontré là bas des indiens qui avaient comme étrange coutume de fumer des feuilles d’une plante qu’ils roulaient dans un tuyau.
Cette plante, ils l’appelaient COHIBA ; ce tuyau, ils le nommaient TABACO.
La culture du cohiba ou tabac
40% seulement de la production du tabac de la havane sert à fabriquer les cigares.
Cette production provient pratiquement exclusivement d’une petite région située à l’ouest de l’île, Vuelta Abaja dont la capitale est la ville de Pina del Rio.
C’est donc un climat tropical, chaud et humide avec une terre rouge, grasse.
La culture commence en octobre et s’achève fin mars environ.
Il y a deux types de plants de tabac :
Le tabaco tapado pousse comme dans une serre puisqu’il est recouvert. Il sert à donner les feuilles de cape, c’est à dire la feuille finale du cigare qui l’enveloppe. Elle doit être large, belle, sans taches, sans déchirure. Elle représente en fait la perfection esthétique du cigare.
Le tabaco del sol fournit le cigare proprement dit : on se sert de lui pour faire la tripe et la sous cape. En trois mois, la plante pousse à hauteur d’homme mais les feuilles n’ont pas le même goût et la même force du bas en haut : plus on monte, plus la feuille est riche. Les feuilles les plus hautes s’appellent "corona"
La récolte et la fermentation
La récolte des feuilles s’effectue progressivement en commençant par les feuilles les plus basses et en ne mélangeant surtout pas les types de feuille.
Elles sont ensuite triées et suspendues pendant 1 à 3 mois pour finir de mûrir. Il ne s’agit pas d’un séchage, on est sous les tropiques, mais d’une véritable maturation qui s’apparente plutôt à une fermentation initiale, comme pour le vin.
A l’issue de cette première étape, les feuilles quittent les plantations pour aller dans les fabriques.
Là, elles sont assemblées en bottes de 60à 70kgsrecouvertes de feuilles de palmier pour les feuilles de tobaco tapado et mises en tonneaux de bois pour les feuilles de tabaco del sol.
Débute alors la deuxième fermentation, courte mais brutale. La température dans les bottes monte mais ne doit pas dépasser 42°. Toutes les 6h on vérifie la température et au besoin on défait les bottes et on aère les feuilles. Cette opération dure un mois environ.
Ensuite, on défait les bottes et les tonneaux, on aère les feuilles, on les oxygène et on les reprépare de la même façon pour la 3ème fermentation. Celle ci est plus douce et va durer de un à trois ans.
La fabrication du havane
C’est l’entrée en scène des "torceadores", les rouleurs de cigares ou cigariers.
Les feuilles sont défaites de leur tonneau ou des balles de fermentation, elles sont aérées et laissées reposer.
On élimine les nervures et le torceador prépare ses tabacs.
Il a 5 tas de tabac devant lui :
dont le mélange donnera au cigare ses propriétés gustatives et olfactives.
Il roule le mélange de la tripe dans la sous cape puis dans la cape en commençant par le pied du cigare afin qu’il ne se déroule pas.
Le torceador est spécialisé à l’extrême et ne réalise qu’un seul type de cigare, il peut en fabriquer jusqu’à 100 par jour.
Les différents types de havane
Il faut distinguer d’abord les différentes marques, équivalents des crus en matière de vin et dans chaque marque les différents modèles ou "modules".
Un grand nombre de marques existent, certaines plus connues comme Monte Cristo, Cohiba, Roméo et Juliette, Partagas, Hoyo de Monterrey et d’autres moins célèbres mais tout aussi intéressantes comme Sancho Panza, Rey del Mundo, Rafael Gonzales, Fonseca…
Les modules vont du plus petit : demi-corona (7 à 8 cm de long) au plus gros : le double ou grand corona qui peut dépasser les 25 cm.
La conservation des havanes
Il est bien évident, compte tenu de ce que l’on vient de voir, que la conservation du cigare doit se faire dans une atmosphère humide pour reproduire le plus possible de climat dans lequel le havane a été fabriqué.
C’est ce qui nécessite l’utilisation de caves à cigares ou humidificateurs où des systèmes variés vont entretenir une humidité constante de 75% environ. Grâce à ça, le cigare conserve sa souplesse, ses qualités de fabrication et gustatives
Choisir le havane avant de l’allumer
Tout d’abord, il faut choisir son havane.
Le choix dépend de plusieurs facteurs :
Il faut du temps pour fumer un havane. Il faut être bien installé, confortablement dans une pièce si possible un peu aérée. Fumer un gros havane après un repas, c’est un peu comme faire une sieste.
Le choix se fait aussi en fonction du repas et surtout des vins. Après un repas très riche et arrosé, il vaudra mieux un havane plus léger.
Enfin, l’humeur et l’envie quand on ouvre le coffret sont essentielles : il faut tomber presque amoureux du havane qu’on va fumer, il doit faire envie rien qu’en le regardant.
Fumer le havane (seul ou accompagné ?)
Personnellement, je trouve qu’il est plus agréable de fumer son havane avec un autre fumeur, c'est en effet un grand moment de convivialité et de détente.
On peut également tout à fait accompagner son havane d’un bon vieil armagnac ou d’un vieux porto ou d’un vieux rhum, les saveurs se mariant délicatement.
On arrive enfin au grand moment, au plaisir extrême, celui où après avoir choisi le havane que l’on souhaite fumer, on va l’allumer.
Mais avant de l’allumer, prenez le temps de le respirer sur toute sa longueur pour apprécier ces parfums de forêt, de plantation tropicale qui se dégagent.
Beaucoup de théories existent pour allumer le havane. Comme souvent, à mon avis, c’est la méthode la plus simple qui est la bonne.
Il faut tout d’abord couper le pied du cigare. Surtout avec un coupe cigare guillotine ou un couteau tranchant ou un ciseau, mais jamais en angle.
Ensuite, pour l’allumer, l’idéal est de disposer d’un peu de lamelles du bois des boites ayant recouvert les cigares ou de simples allumettes voire d’un briquet à gaz.
On allume sans tirer sur le cigare, de façon circulaire pour obtenir une incandescence harmonieuse. Ensuite seulement on peut tirer les premières bouffées.
Et il ne reste plus qu’à le fumer, tout doucement, régulièrement sans avaler la fumée mais en la "mâchant" pour en apprécier sa richesse.
La fumée du havane doit imprégner les papilles et monter jusqu’au nez où on apprécie pleinement les différents bouquets.
D‘abord doux au début, le havane va développer son arôme et sa richesse au fur et à mesure pour s’exprimer totalement dans son tiers moyen. Ensuite, dans le dernier tiers apparaît toute sa force, sa richesse. C’est cette dernière partie qui est quelquefois moins appréciée des fumeurs novices en raison de la profondeur des saveurs quelque fois, il faut le dire, un peu entêtantes.
Il faut regarder le cylindre de cendres se former et rester solidaire du cigare.
Enfin, il faut se résoudre à déposer ce qui reste mais, comme quand on assiste à un concert, quelques minutes sont nécessaires pour se remettre de la grande émotion que l’on vient de ressentir.
Conclusion
Voilà, vous venez de déguster un havane...
N’était ce pas une expérience extraordinaire ?
Il ne vous reste plus maintenant qu’à recommencer une autre fois, en espérant que ce ne sera pas "virtuel".